Le 20 janvier prochain, Donald Trump prêtera serment pour la 2e fois en tant que président des Etats-Unis. Sa réélection, redoutée en Europe, a provoqué une onde de choc. Au lieu d’avoir peur, ne devrions-nous pas plutôt saisir l’opportunité que cet événement politique représente ?
Pour le Centre Jean Gol, la réponse est clairement oui. A traverses diverses sorties médiatiques, son directeur scientifique Corentin de Salle, analyse en effet la réélection de Donald Trump comme un rappel de la dépendance européenne vis-à-vis des États-Unis. Selon lui, notre continent doit se libérer de cette influence pour mieux affronter les défis mondiaux.
« L’Europe doit retrouver une autonomie qui lui évite de dépendre d’une autre puissance »
« En tant que libéral attaché à la liberté de circulation des personnes, des capitaux, des biens et des services, je crains le retour du protectionnisme américain et le repli sur soi. Or, c’est précisément l’ouverture des marchés et la mondialisation libérale qui ont fait passer le taux d’extrême pauvreté affectant 85% de la population mondiale en 1820 à moins de 10% aujourd’hui », explique Corentin de Salle. Le penseur libéral craint également, en tant que partisan du trans-atlantisme et de la doctrine Wilson prônant la propagation de la démocratie et de la liberté dans le reste du monde, que l’Amérique se désinvestisse de ce combat, dans un monde devenu de plus en plus hostile aux valeurs qualifiées d’« occidentales » (en réalité universelles).
Face au choix démocratique des électeurs américains, souvent mal accueilli en Europe, Corentin de Salle appelle à une introspection : si l’Europe veut s’affirmer comme une puissance économique et militaire, elle doit retrouver une autonomie qui lui évite de dépendre d’une autre puissance.
« Cette victoire de Trump n’est-elle pas, pour nous, une chance historique ? »
Georges-Louis Bouchez ne disait pas autre chose dans l’Echo le 9 novembre dernier : « Donald Trump va baisser drastiquement les impôts. Il va redéployer les énergies fossiles, ce qui va être une catastrophe pour le climat, mais aussi pour notre compétitivité. On parle d’une augmentation de 10% des droits de douane. Goldman Sachs estime à 550 milliards de dollars l’impact pour l’économie européenne d’ici 2029, soit un point de PIB. Il faut se réveiller ! On doit être plus attentif à nos secteurs stratégiques. Pas en mettant des barrières, mais via des incitants fiscaux. Ce n’est pas du tout le moment d’augmenter les impôts. Il faut plutôt les baisser dans certains secteurs. L’Europe tue des mines de croissance par sa volonté de légiférer ».
Le président du MR cite l’exemple de l’intelligence artificielle : « c’est inédit dans l’histoire contemporaine : Google, Meta et Apple renoncent à l’implémenter sur leurs appareils en Europe. Ces entreprises préfèrent contourner le marché européen et estiment quand même parvenir à rentabiliser leur technologie. On fait une erreur : on doit laisser le privé développer la technologie, et quand on voit qu’il y a un risque, on légifère. C’est ce que font les Américains ».
De la même manière que la guerre en Ukraine a soudainement fait prendre conscience à l’Europe que, sans un renouvellement et une extension de notre industrie nucléaire, nous étions condamnés, comme l’Allemagne, à dépendre du gaz russe, cette victoire de Trump n’est-elle pas, paradoxalement, pour nous une chance historique ?
Un « wake-up call » pour ré-industrialiser massivement notre continent et ouvrir la voie à une transition écologique high-tech ? Pour développer une production énergétique abondante, pour ouvrir des mines, pour créer des industries de captation de carbone, pour mettre en place un écosystème intercontinental de production des molécules vertes et de carburant synthétique ? Pour intensifier et décarboner l’agriculture grâce aux nouvelles techniques génomiques ? Pour développer l’économie numérique, l’intelligence artificielle et les technologies de pointe ? Pour relancer l’industrie militaire et mettre en place une vraie Europe de la défense, etc. ?
Si l’Europe était une vraie puissance politique, elle ne serait pas condamnée à redouter – à propos d’une guerre qui fait rage au cœur même de notre continent – les conséquences d’un vote d’électeurs vivant à plusieurs milliers de kilomètres d’ici. Or, l’Europe est dépendante des USA sur le plan militaire et sur le plan énergétique, ainsi que, sur ce point, des pays du Golfe. Elle est dépendante de l’Asie pour l’industrie. Elle n’a plus son mot à dire en Afrique. Alors que les Américains veulent arrêter d’être le gendarme du monde et se sont repliés sur une guerre commerciale, l’Europe doit renforcer son autonomie industrielle et agricole, accroître sa sécurité énergétique et se doter d’une autonomie militaire. Ce n’est qu’ainsi qu’elle redeviendra une puissance politique et qu’elle aura la crédibilité et les moyens de défendre les valeurs universelles qu’elle promeut.
Lire la carte blanche de Corentin de Salle sur le site du Centre Jean Gol
Corentin de Salle explique que les Démocrates, en ciblant Trump avec des accusations de racisme pour attirer les minorités, ont en fait perdu une part importante de leur électorat. Cette approche, adoptée également par plusieurs partis de gauche contre le MR en juin dernier, a produit des résultats similaires : une défaite.
Réécoutez l’interview (à partir de 3h05)
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