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Portrait

Mathieu Michel : « la pop culture m’a permis d’appréhender le monde de façon créative »

 

Le Secrétaire d’État à la digitalisation vient d’une génération qui a vécu l’essor des technologies. Alors que notre pays encourage le développement du secteur des jeux vidéo en raison de son potentiel économique, il revient sur cette part de la pop culture qui a bercé sa jeunesse.

Les jeux vidéo, c’est votre madeleine de Proust ? 

Je fais partie de cette génération X, ces enfants nés entre 1977 et 1983. Je suis un enfant de la pop culture. Cette époque où tout ou presque était possible a vraiment été décisive dans ma vie. J’associe à la pop-culture le monde des jeux vidéo qui ont bercé mon enfance. Ma première console était une Atari, avec deux jeux extraordinaires : Astéroïdes et Pacman. Pour l’anecdote, y jouer n’était pas simple car ni mon père ni moi ne savions l’installer. Heureusement, il y avait un ami de mes parents qui savait la brancher, mais comme il n’était pas tout le temps présent, je crois que n’ai joué avec ma console que 4 fois. Cela m’a quand même appris la maitrise de soi.

La seconde console a été un AMSTRAD CPC 128, c’était de vieux ordinateurs à écrans verts. Il y avait un jeu de Kung Fu au graphisme très basique (un pied au sol, un pied qui donnait le coup).

Est arrivée ensuite la première Nintendo, la NES, cette console blanche parallélépipède rectangle sur laquelle j’ai vu apparaitre à l’écran ce qui était une vraie révolution à l’époque : Mario Bros. Avant de l’utiliser pour la première fois, il fallait appuyer dessus très longtemps sinon ça ne démarrait jamais. Je peux vous dire que j’ai attendu longtemps avant de comprendre comment ça s’allumait ! De plus, cette NES était installée dans la chambre de mon frère ce qui était frustrant car pour pouvoir y jouer, je devais aller dans sa chambre. Lui ne jouait pas, ce qui, pour le clin d’œil, nécessitait pas mal de diplomatie entre nous.

« Le jeu vidéo est l’industrie créative qui génère le plus de chiffre d’affaires »

Quel lien faites-vous entre les jeux vidéo et la pop culture ?

J’ai le souvenir d’un magazine : « L’Homme moderne », qui montrait toutes les possibilités d’avenir. C’était le début de l’innovation, on se disait que tout était possible, qu’on pouvait tout construire…

Ce que j’appelle la pop culture, c’est aussi le cinéma, la musique, qui ont amené un certain nombre d’idées qui se sont concrétisées dans un univers propre aux jeux vidéo.  Par exemple le film « Retour vers le futur », où les héros retournaient dans le passé pour s’inspirer. Ou le film « War games », qui mettait en avant les dangers de l’Intelligence Artificielle. Tout cela a été inspirant pour ma génération. La pop culture c’était le règne de l’imagination totale. Se projeter de la sorte dans l’avenir, c’est finalement très libéral : appréhender le monde de demain de façon créative.

Avec le recul, quel est votre regard de père sur ces innovations ?

Aujourd’hui, le digital est une porte d’entrée vers des univers qui font appel à nos émotions, à notre construction neuronale. Il y a une chanson qui me parle beaucoup, « Toutes les machines ont un cœur » de Maelle. Ca ne veut pas dire que ces écrans remplacent le monde réel mais elles l’augmentent.

Ce que je retiens, c’est que les jeux vidéo m’ont appris beaucoup de choses : le reflexe, l’inertie d’un véhicule, la résolution d’énigme, la rapidité. J’ai donc un regard très bienveillant sur eux. A l’époque, mes parents n’étaient pas forcément de cet avis, il y avait parfois un conflit générationnel.

Mes enfants, eux, maitrisent cet univers totalement. Ils ont des codes que je ne maitrise pas. Ils savent comment se comporter dans un univers digitalisé. Pour moi, jouer à Minecraft aujourd’hui, c’est aussi instructif que jouer aux lego pouvait l’être à mon époque. Pendant des années je n’ai plus touché à ces jeux. Maintenant que mes enfants suivent mes traces, je redécouvre cet univers passionnant.

On associe souvent une mauvaise image à ce secteur, pourquoi ?

L’innovation est source de bien-être, mais elle peut aussi poser des difficultés si elle n’est pas canalisée. Le jeu vidéo a souffert pendant des décennies d’une méconnaissance de ce qu’il était réellement, notamment de la part des gens qui ne jouent pas. Je ne pousse pas les gens à jouer aux jeux vidéo, chacun fait ce qu’il veut. Mais ce secteur a été précurseur. Le jeu vidéo dans le monde aujourd’hui est l’industrie créative qui génère le plus de chiffre d’affaires, plus que le cinéma ou la musique !

Dans toute une série de start-ups que je rencontre, la pop culture est une source d’inspiration. Par exemple, dans la cafétaria d’Aero Spacelab, il y a une console avec Pacman et Street Fighter. Ce que je trouve génial, c’est qu’il y a cette rencontre entre le passé symbolisé par cette pop culture et l’avenir qui se prépare.

Il faut donc changer de point de vue et abandonner ce cliché du jeu vidéo qui est forcément mauvais ou une perte de temps. C’est du divertissement, mais c’est aussi un outil. Tous ces geeks qu’on a souvent caricaturés à l’époque gèrent aujourd’hui des start-ups qui cartonnent, qui envoient des satellites en orbite, ou améliorent les processus industriels… La Belgique peut être fière de ses talents !

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